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Commode en Hercule - DP ArtExpert
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Chef d’œuvre de l’art du portrait romain, ce buste représente l’empereur Commode avec les attributs d’Hercule. Il possède un travail allégorique complexe qui le positionne au rang de héros invincible et maître de l’univers. Ainsi, il apporte la richesse, la prospérité et l’abondance.

L’état de conservation est exceptionnel, la sculpture a été retrouvée dans une chambre souterraine dans les jardins de Lamia (Horti Lamiani). Nous pouvons apprécier la finesse des détails de la chevelure et de la barbe. Ce travail de sculpture est possible grâce à l’utilisation du trépan, un outil que les artistes de l’époque antonienne apprécient particulièrement. Ce foisonnement de boucles met ainsi en valeur le corps lisse et athlétique de ce superbe buste. Autrefois, deux Amazones étaient agenouillées, nous pouvons deviner leur beauté à travers la richesse du drapé de celle encore présente.

Sculpture en marbre.

Période 180-193 apr. J-C.

Haut. 133 cm.

Musée Capitolin, Palais des Conservateurs, Salle des Horti Lamiani, Rome.

L’homme qui se rêvait en héros

Quel est cet homme qui se coiffe d’une peau de lion et qui, à la manière d’Hercule, tient dans ses mains, une pomme d’Hespérides et une massue ? C’est un individu timide, influençable et surtout entouré de personnes mal intentionnées. C’est un empereur qui voulait être aimé du peuple en terrorisant ses proches. Nous n’allons pas aborder les grandes dates qui marquent son règne, mais nous intéresser à ce qu’il est afin de comprendre cette œuvre d’art.

Il est né de l’union de l’impératrice Faustine la Jeune, friande des jeux d’amphithéâtre, comme son époux, l’un des plus célèbres empereurs de Rome : Marc-Aurèle. Ce dernier, en plus d’être un stratège accompli, est aussi auteur ; son ouvrage « Pensées pour moi-même » est une œuvre majeure de la philosophie stoïcienne. Depuis quatre-vingts ans, il n’y avait plus eu d’héritier par naissance. Ce fils est promis à un destin incroyable et la véritable vie de Lucius Aurelius Commodus surpasse de loin les intrigues des scénarios hollywoodiens, à l’image du film Gladiator de Ridley Scott. En plein âge d’or de l’Empire, Commode signe la fin des Antonins et fera basculer l’histoire de Rome dans le chaos. Encore aujourd’hui, il nous fascine autant qu’il nous horrifie.

Les premières années

Le 21 août 161, au cœur de la civilisation la plus puissante du moment, un enfant romain naît dans la pourpre. Il incarne la faiblesse de son père qui s’obstine à vouloir le désigner comme son héritier. Son successeur ne possède pas une vive intelligence et manque cruellement de curiosité pour les affaires de l’Empire. Entouré de femmes et d’esclaves, Commode s’intéresse davantage à savourer les douceurs du palais et à s’amuser. Imaginez-vous, savoir dès votre plus jeune âge, le rôle qui vous est promis. L’ego devient forcément démesuré. On est exceptionnel, unique dans la multitude des citoyens que l’on devra gouverner. Seulement, très tôt, cet héritier se montre difficile et brutal. À l’âge de douze ans, lors d’un bain trop chaud à son goût, il exige que l’on précipite le responsable dans les flammes. L’homme en charge de cette mission dupe son prince en jetant une peau de mouton au feu pour que l’odeur macabre le satisfasse. Dans l’espoir d’améliorer ce caractère, Marc-Aurèle s’efforce d’entourer son fil des meilleurs précepteurs. Il lui choisit une épouse, Crispina, issue d’une famille romaine très influente qui sera un atout politique. Et ayant passé la majorité de son règne à défendre les frontières de l’immense territoire romain, il emmène Commode dans les campagnes militaires pour lui inculquer l’art de la guerre. Le peuple de Rome adore les grands généraux et les exploits de conquêtes. Malheureusement, c’est un sujet qu’il n’apprécie pas. La vie y est trop rude. Il n’aspire qu’à retrouver la capitale, là où les plaisirs sont multiples et la luxure à portée de main. Malgré tous les efforts de Marc Aurèle, son fils choisit une autre voie qui l’éloigne de l’âge d’or de Rome.

En 180, son père est fatigué et malade, il s’éteint après un brillant règne au bord du Danube. Commode a dix-neuf ans. Contre l’avis des conseillers, il signe un traité de paix avec les barbares et retourne à Rome pour saluer la plèbe en tant qu’empereur. Le Sénat semble vouloir l’aider dans ses obligations impériales, en réalité, ses membres pensent pouvoir tirer leur épingle du jeu face à l’incompétence du nouveau souverain. Commode s’aperçoit qu’on le manipule et il commence à se méfier. Pour gagner l’amour du peuple, il décide d’organiser des jeux d’amphithéâtre. Seulement, les caisses de l’Empire sont mal en point à cause des guerres, cela ne l’arrête pas pour autant, il a une solution. Il se venge en obligeant les sénateurs à payer un nouvel impôt pour permettre cet événement.

La folie du pouvoir

Durant son règne, il n’y a pas de conquêtes militaires, c’est une ère de paix ponctuée de festins et de distractions macabres. L’Empire ne s’affaiblit point, car Commode ne fait rien, à part se moquer ouvertement du Sénat. Il donne des postes clefs strictement réservés par tradition aux aristocrates romains, à des esclaves et à des étrangers. Ses actes ne manquent pas de susciter la colère jusqu’au cœur de sa famille. Sa sœur aînée, Lucilla, fomente un complot contre lui. On ne sait pas vraiment si elle agit ainsi par jalousie, pour récupérer son ancien statut d’impératrice ou pour sauver Rome d’un désastre. Quoi qu’il en soit, Lucilla est brillante et très influente. Elle parvient à organiser une conjuration contre son frère. Nous sommes en 182 quand un homme armé se jette sur le jeune empereur. Les textes historiques le racontent : « comme il entrait à l’amphithéâtre, Claudius Pompéianus attenta à ses jours, et, lui présentant un poignard dans l’endroit le plus étroit de l’entrée : Tiens, dit-il, voilà ce que le Sénat t’envoie. »

À partir de cet événement, Commode goûte davantage à la paranoïa. Il exile sa sœur à Capri où elle est assassinée peu après son arrivée. D’ailleurs, cette île accueillera quelques années plus tard, le meurtre de sa femme, Crispina, qu’il accuse d’adultère et qui ne lui a pas donné d’enfant. Et puis, cela fait quelque temps déjà qu’il s’affiche ouvertement avec une esclave comme concubine. Cette dernière se nomme Marcia et elle aura une grande influence sur lui et son destin. Pensant se protéger des complots des nantis, Commode s’entoure d’un cercle d’individus étrangers et de basses conditions. Ils sont très ambitieux et forment un écran entre lui et la réalité ce qui sera dramatique pour sa politique. L’historien Hérodien témoigne : « il montra de la défiance pour tout le monde, il commit meurtre sur meurtre, ajoutant aisément foi à toutes les calomnies. N’admettant plus en sa compagnie les gens de qualité et renonçant à manifester quelques quarts d’heure pour le bien. Nuit et jour, son âme était l’esclave de ses plaisirs physiques. »

Outre cette paranoïa, Commode a un grand besoin d’être aimé et surtout d’être vénéré. Il rebaptise Rome pour Colonie Commodienne, et agit de même avec les mois de l’année nommés selon les titres qu’il porte. Il se présente au Sénat vêtu en peau de lion, comme Hercule dont il arbore aussi le nom et fait frapper les monnaies. Dion Cassius le partage : « Il prenait, en effet, tantôt l’un, tantôt l’autre de ces noms ; quant à ceux d’Amazonius et d’Exsuperatorius, il se les donnait d’une façon invariable comme s’il était simplement vainqueur de tous les hommes ; car tel était l’excès où le monstre poussait la folie. Il écrivait au Sénat en ces termes : «L’empereur César, Lucius Aelius Aurélius Commode, Auguste, Pieux, Fortuné, Sarmatique, Très Grand, Germanique, Britannique, Pacificateur de l’univers, Invincible, Hercule romain, Grand-Prêtre, la dix-huitième année de sa puissance tribunitienne, imperator pour la huitième fois, consul pour la septième, Père de la patrie, aux consuls, aux préteurs, aux tribuns du peuple, au Fortuné sénat Commodien, salut». On lui dressa une foule de statues avec les attributs d’Hercule. On décréta que le temps de son règne serait appelé siècle d’or et que ces mots seraient mis en tête de tous les décrets sans distinction. »

Son fantasme de gladiateur

Comme l’histoire le relate, les parents de Commode adoraient les jeux d’amphithéâtre et le plaisir de sa mère ne s’arrêtait pas là. Elle trompait aisément Marc Aurèle avec des soldats ou des athlètes. Pour certains, cela explique pourquoi Commode souffre d’un trouble de la personnalité. Ces détracteurs doutent de sa légitimité et les ragots murmurent qu’il serait le fils d’un gladiateur. De plus, sa physionomie nourrit ces médisances. Hérodien témoigne : « à l’épanouissement de son âge, il joignait une apparence remarquable tant par ses heureuses proportions physiques que par la beauté mâle de son visage, car ses yeux étaient ardents et ses regards pleins de feu. Sa chevelure naturellement blonde et bouclée jetait des éclats si flamboyants que s’il venait à marcher au soleil, chacun croyait qu’à chacune de ses sorties, qu’on la saupoudrait d’une poussière d’or. »

Après une famine alliée à la peste, Commode veut célébrer la nouvelle année à sa façon. Il espère ainsi plaire aux dieux et porter chance à Rome pour lui ouvrir un avenir plus radieux. Il commence à décréter que le cortège traditionnel et triomphal sera remplacé par un défilé de gladiateurs. À l’époque, ces combattants ont un statut inférieur à celui des esclaves. On les adore, mais on ne le considère pas. Pour les citoyens, c’est un véritable outrage que Commode s’apprête à commettre. Pour ces réjouissances, il annonce quatorze jours de festivités au Colisée et le peuple aura la chance d’admirer l’empereur descendre dans l’arène. Pour parfaire son rôle, il demande à Narcisse, un lutteur célèbre de l’entraîner comme gladiateur. Bien évidemment, tous les combats sont truqués.

Nous sommes en 192 quand la foule assiste à ce premier massacre. Dion Cassius témoigne : « (…) Il faisait son entrée en costume de Mercure et après s’être dépouillé de ses autres vêtements, il se mettait à l’œuvre seulement avec une tunique, sans chaussures. (…) Le premier jour, il tua cent ours à lui tout seul, à coups de flèches du haut du pourtour de l’amphithéâtre. Quand il était fatigué, il buvait dans une coupe en forme de massue, du vin miellé rafraîchi que lui présentait une femme et au même instant, le peuple et nous, nous crions vivat, comme a coutume de crier dans les festins. (…) Voilà ce qui eut lieu le premier jour ; les suivants, étant descendu du haut de sa place sur le sol même de l’amphithéâtre, il tua d’abord toutes les bêtes qui s’approchèrent de lui, bêtes dont les unes lui étaient amenées et les autres présentées dans des cages, puis il égorgea un tigre, un hippopotame et un éléphant. Cela fait, il s’en alla et, ensuite, au sortir de son dîner, il combattit comme gladiateur. »

Le souffle de la mort

Entre-temps, Marcia, sa concubine, a découvert une liste. Son nom y figure. Commode y a inscrit l’identité des personnes qui ont critiqué son idée de cortège ou qui connaissent son secret d’invincibilité lors des combats. Évidemment, ces individus ne sont pas destinés à vivre de grandes réjouissances, mais à la mort. Afin d’en finir avec cette folie, soutenue par l’appui de complices, Marcia a le courage de lui proposer une coupe de vin empoisonnée. L’empereur s’en délecte en toute confiance. Fils de tous les excès, son rythme de vie lui appartient, il dort, il mange, il tue quand cela lui plaît. De ce fait, son corps malmené est parfois en proie à des malaises et lorsqu’il vomit le poison ingurgité, il ne s’inquiète pas. Il met cet état de faiblesse sur le compte de ce genre de fatigue passagère. Pour retrouver quelques forces dans la détente, il prend un bain sans se douter un instant du drame ironique qui se joue. La Faucheuse ne manque pas d’humour noir tandis qu’elle s’apprête à recueillir l’âme viciée. L’homme qui voulait être l’égal des dieux, un héros invincible est tué par celui qui se nomme Narcisse, le lutteur qui l’entraînait à devenir ce qu’il rêvait d’être. Cet athlète tourne une page sanglante et venge ainsi ses frères d’arène massacrés en étranglant l’empereur mégalomane, amoureux de son image. Commode n’a pas désigné de successeur et sa mort bouleverse l’avenir de Rome, mais ceci est une autre histoire…